Nyx Grimaldi fouillait inlassablement l’intérieur de sa cape, triant le bric-à-brac accumulé lors de sa dernière mission. Elle avait la mine renfrognée des mauvais jours et la terrible envie d’un latte fumant avant de reprendre le chemin de la Villa Conti. Évidemment, le trou perdu où l’avait envoyée ce prétentieux mondain de Hope ne possédait aucune gargote capable de satisfaire sa dose quotidienne de caféine. Elle le soupçonnait même d’avoir choisi ce lieu d’échange pour l’agacer. L’héritier avait le chic pour la pousser à bout – et elle se jurait de le lui faire payer lorsqu'elle le retrouverait sur leur lieu de rendez-vous.

Ma porca miseria !

À bout de patience, Nyx se résigna à saisir le portoloin censé la ramener sur la Riviera, sans se douter que le destin allait encore lui jouer un tour. À peine avait-elle effleuré l’objet enchanté du bout des doigts qu’un pressentiment glacial la traversa. La magie s’activa instantanément, mais le frisson étrange qui l’accompagna faillit lui faire lâcher l’objet. Dans une aspiration brutale, elle disparut du petit village côtier, happée par des flux magiques tourbillonnants. Elle s’efforça de garder son équilibre mental, en vain. Quand elle chuta sur un sol sablonneux, elle grimaça, constatant que ce lieu n’avait rien à voir avec sa destination initiale.

Autour d’elle, le paysage était inconnu. L’odeur de la mer différait de celle de la Riviera, et un rivage de sable fin formait un écrin à une végétation dense et tropicale. La chaleur suffocante et l’humidité ambiante rendaient le tout encore plus déroutant.

« Ma che diavolo… ! » jura-t-elle en balayant les alentours d’un œil vigilant.

Où avait-elle atterri ?

Non loin de sa position, à travers la couronne de feuilles d’un palmier, elle aperçut un homme – ou plutôt une silhouette qui tentait de manipuler un portoloin en vain. Elle n’était donc pas seule sur cette plage. D’un geste prompt, elle sortit sa baguette et s’avança prudemment vers l’inconnu. Nyx n’avait aucune idée de qui il était et encore moins ce qu’il s’était passé pour qu’elle arrive dans ce… Cauchemar paradisiaque. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle ne pouvait faire confiance à personne.

Elle inspira profondément, jaugeant l’inconnu avec sa baguette. Elle était prête à lancer un sort d’entrave au moindre mouvement suspect, mais ravisa son approche en découvrant les traits affables de sa cible. Il ne semblait pas bien méchant. L’homme tenait plus du touriste que d’un potentiel danger. Mais par habitude, la sorcière se devait de rester sur ses gardes.

« Qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ? » exigea-t-elle en s’avançant vers lui, la baguette pointée, prête à ne rien laisser au hasard.

Nyx arqua un sourcil face à l'attitude trop avenante de l’inconnu. Sa bouche s’était tordu en une moue cynique, prête à riposter. Ainsi donc, l’homme prétendait s’appeler Edgard. Mais la sorcière n’était pas née de la dernière pluie. Cet "Edgard", avec son air désarmé et ses mains levées comme s’il jouait les innocents, était un tableau un peu trop parfait pour être vrai.

D’un geste leste, elle abaissa légèrement sa baguette, dans l’idée de tromper l'ennemi : son poignet restait prêt à lancer un sort en un clin d’œil si cela s’avérait nécessaire. Dans une profonde inspiration, elle s’approcha légèrement de l’homme sans défaire son regard de sa cible. Ces pieds s’enfonçaient toujours plus dans le sable brulant, tandis que l’écume léchait sans fin les empreintes de ses pas derrière elle. Le décor était à couper le souffle. Surement qu’en d’autres circonstance cela aurait pu être agréable… Du moins… Cela avait fleurait son esprit. Mais où était-elle tombée ? Che diavolo sta succedendo? (C’est quoi se bordel).

A quelques pas de lui, l’homme un peu trop bavard finissait enfin de parler.
« quelle coïncidence touchante ! Deux sorciers perdus, débarqués par miracle sur la même île déserte, sans aucun moyen de s’en sortir… » Elle claqua la langue et étira ses lèvres dans un sourire méfiant. « J’imagine qu’on devrait trinquer à notre malchance commune dans ce cas ? »

Elle fit un pas de côté, sans quitter des yeux cet "individu" au sourire débonnaire. Comment pouvait-il rester si calme ? Et débiter autant de mots… idiota. (Imbécile) Avait-il seulement conscience de ce qu’il disait ? Il était donc impossible de quitter cet endroit par magie. Che sfiga! (Quelle poisse !) Nyx n’avait pas l’intention de baisser sa garde pour un type qui pourrait bien être en train de lui tendre un piège. Les ennemis de La Sorellanza Oscurane ne manquaient pas.

« Désolée, mais j’ai pour habitude de ne pas tendre la main à des étrangers au sourire un peu trop large pour être honnête. Alors, si tu veux de l'aide, Edgard, commence par vider tes poches ! » C’était bien une baguette qu’elle cherchait ou tout autre chose qui aurait pu la mettre en danger.

Nyx plissa les yeux en fixant le sorcier. Elle ne pouvait se permettre la moindre erreur, encore moins en terrain inconnu. La situation était déjà suffisamment étrange pour ne pas prêter attention aux details. Son regard se fit plus sombre alors que des décharges d’adrénaline déferlaient dans tout son corps. Elle n’avait pas confiance, et avec raison. Qu’est-ce qui lui prouvait qu’il n’était pas là pour la piéger ? Elle resserra sa prise sur sa baguette, analysant la situation sous toutes les coutures. Elle devait agir prudemment, mais méthodiquement.

Son esprit se focalisa alors sur les sorts qui pouvaient contrer une embuscade potentielle. Elle pouvait toujours opter pour un Hominum Revelio pour vérifier si d’autres personnes se cachaient dans l’ombre. Cela serait un bon début, mais il faudrait aller vite et le sol mouvant sous ses pieds pourrait bien entraver ses gestes. Peut-être que ce n’était pas le bon moment de lancer ce genre de sort ? Elle s’avança alors vers les palmiers pour s’assurer d’un point de replis plus propice à ce sortilège. Puis, elle songea de suite à Specialis Revelio pour inspecter la présence de quelconques objets ensorcelés ou dissimulés sur lui. Il pouvait toujours montrer patte blanche, cela n’empêcherait en rien de dissimuler autre chose. Elle avait été à bonne école avec Lázár. Ce sale rat, adorait planquer tout un tas de babioles magiques dans ses poches sans fond et il l’avait eut par surprise à de nombreuses reprises. Un sort d’une telle efficacité pourrait peut-être s’avérer efficace ? Nyx hésitait encore, tant et si bien qu’elle dû se forcer a tendre son bras pour ne pas laisser d’ouverture à son adversaire. Ses pensées allaient dans tout les sens, n’oubliant pas d’évoquer une dernière hypothèse… Une de taille… Et s’il n’était pas du tout celui qu’il prétendait être ?

Elle réprima un sourire cynique en pensant au bon vieux Finite Incantatem, une valeur sûre pour déjouer les charmes simples ou les dissimulations. Il suffisait d’une brève incantation, et toute illusion mineure s’évanouirait en une seconde, laissant alors paraître la vérité. Oui, Nyx avait l’embarra du choix. Elle était libre de choisir sa riposte, libre d’agir à sa guise et de croire ce qu’elle voulait. C’était ainsi que La Sorellanza Oscurane opérait. Nessun uomo può abbattermi. (Aucun homme ne peut me renverser/abattre). Donc elle attendait sa réponse non sans une certaine fébrilité. A la moindre faille, elle se montrerait impitoyable.