Che truffa !
ft. Elizabeth Spark

Elizabeth Spark s’était érigée telle une flamme vacillante parmi les ombres de la foule. Sa seule présence aux côtés de l’esprit vagabond, avait suffi à éclipser les murmures des convives assoiffés de cancans. Intéressant. Les reflets céruléens s’étaient contenté de balayer l’assemblée d’un simple regard interrogateur pour constater que tous étaient dans l’attente d’un faux pas. La jeune femme n’avait pas simplement annuité le doute et l’ennui, elle avait occis d’un simple revers lexical toute tentative à voir cette rencontre avortée. « Elizabeth Spark » était bien attrayante à bien des égards. Ces quelques syllabes aux allures d’incantations avaient eu l’audace de mettre au pas le jeune homme. Les yeux clos, immobile parmi la foule en mouvement, il tentait encore de faire vibrer l’écho de ce chuchotement dans le vacarme assourdissant de ses pensées fugaces. « Enchanté, mademoiselle Spark ! »  Lázár se voulait insistant sur ce fait. Son regard appuyait cette folle idée qu’elle venait d’envoûter son être tout entier.
Dans le salon baigné de lueurs dorées, une danse ensorcelante s’était improvisée. C'est là, sur les notes enivrantes d'une valse, que la beauté éthérée avait choisi d’éclairer le galant. Pendu à ses lèvres, il n’avait fait qu’esquisser un sourire en guise d’une réponse qui tardait à venir. Donner des explications sur ses agissements n’était pas dans ses habitudes. Le sorcier n’avait de comptes à rendre à personne, pourtant entre deux pas, il s’approcha d’Elizabeth pour murmurer ; « Il n’y a stratégie que s’il y a quelque chose à gagner. » L’œil de l’esthète, n’en finissait plus de contempler l’œuvre dans son ensemble, cherchant inlassablement les origines de cette hardiesse qui semblait tant l’animer. Lázár Hope, aussi charmant qu’un crépuscule s’érigeait à son tour en adversaire redoutable. « Insinuez-vous de ce fait que vous êtes de celles à conquérir ? » L’aplomb de sa propre verve, le fit sourire une nouvelle fois. Dans cet enchevêtrement de pas et d’ego, le jeune homme régnait en maître. Sa chorégraphie était d’une précision redoutable tout comme toute entreprise qu’il se destinait à mener s’il y voyait un quelconque intérêt et pour l’heure, il n’était pas tout à fait sûr de ce qu’il espérait la concernant. Il profita d’un allegro alto, pour la saisir par la taille dans une approche peu respectueuse des conventions. Si prêt de son oreille à présent, le prince des heures sombres susurra dans une lancinante complainte ; « Voyez très chère, il m’est difficile de résister à un défi. Toutefois, je ne saurai vous pardonnez si l’enjeu n’est pas à la hauteur de tout l’intérêt que vous venez d’éveiller en moi. » Ses lèvres glissèrent vers l’arrondi du lobe quitte à sombrer dans le filet du diable tentaculaire aux reflets incandescent. « Ah, j’oubliais… Je suis aussi très mauvais perdant »

Ne venait-il pas d’étaler avec verve ô combien, il pouvait être le pire des joueurs. Cela étant dit, la demoiselle avait tant marqué son hôte que Lázár ne put que s’incliner face à cette non moins redoutable invitation à prendre part à ce défi. En moins de temps qu’il ne lui en avait fallu pour faire sa révérence, voilà qu’elle prenait le large en bien curieuse compagnie. Les yeux rivés sur l’intrigante fuyarde, Lázár tentait d’échapper aux griffes acérées des prétendantes qui s’étaient agglutinés tout autour de lui. Ce chapelet indigeste de minauderies, le força à sourire poliment. Il se devait de répondre avec toutes les implications dues à son rang.
À l’autre bout de la sale, une spectatrice n’avait rien perdu de la scène. « Je trouve Lázár bien audacieux ce soir ! Qu’en pensez-vous ? » Les paroles susurrées derrière un verre à pied en cristal, n’avaient point éveillé l’homme bedonnant à qui elles étaient destinées. Obnubilé par les petits fours, il ne faisait que peu d'état du monde qui l'entourait. Ils formaient à eux deux un drôle de duo ; elle, belle et élancée, malgré son âge avancé et lui, gras, au visage déformé par l’âge. « Je pense surtout qu’il cherche par tous les moyens à échapper à ses devoirs très chère. » « Vous pensez ? » « J’essaye du moins… » Entre deux bouchés, il suivit du regard celle de sa dame et finit par soupirer. « Et elle, qui est-elle ? Je ne l’ai jamais vu… » Se désola la vipère en agitant un éventail. « Par Merlin, quelle chaleur… N’y a-t-il rien à faire pour changer ce climat ? » « Vous voudriez provoquer un désastre météorologique comme à Vienne ? » Outrés, les convives autour se mirent à chuchoter dans l’emparas du duo grotesque. « Madame de Viacco ! » D’un simple hochement de tête, Lázár Hope s’était avancé droit vers eux. Les mains derrière le dos, il s’immobilisa un instant pour les dévisager dans un large sourire énigmatique, avant de les questionner ; « Le climat est pourtant fort agréable après le déluge des dernières semaines. Je vous saurais gré de ne pas intervenir.» Confessa-t-il en se penchant vers elle. « J’ai encore quelques affaire à Trieste. » Charmée, elle leva son bras pour provoquer un baise main qui resta en suspens alors qu’une femme s’imposait à son tour. « Lázár, je suis très surprise de te voir en si… En compagnie mondaine. » D’un geste de la main, elle dégagea le jeune homme de l’offrande peu frivole et le força à s’éloigner en s’agrippant à son bras. « Évitez ce genre de compagnie à l’avenir, mon fils » murmura-t-elle tout en creusant la distance entre sa progéniture et l’improbable duo. « Ces créatures pourraient bien te dévorer tout cru. » « Je devrais vous remercier dans ce cas ? » La femme se contenta de sourire en s’arretant non loin de la demoiselle qui venait de lui fausser compagnie. Elle observa un instant la réaction de son fils, encore hypnotisé par son aura magnétique, puis rectifia non sans ironie ; « Devrais-je aussi te sauver de cette demoiselle aussi ? » Les lippes du sorcier finirent par trahir son amusement. Sa mère était une fine observatrice, mais elle oubliait une chose essentielle ; l’orgueil de son fils ne connaissait aucune limite lorsqu’il s’agissait de gagner un défi. « Ne vous inquiétez pas. Elle semble être en très bonne compagnie. » « Vraiment ? » Amusé, plus encore, Lázár finit par ramener ses doigts vers ses lèvres pour contenir l’hilarité d’une t-elle question. « Comme je vous l’ai dit… » « Ne me manque pas de respect ! Mademoiselle ! » S’empressa-t-elle d’interpeller la rouquine et son galant. « Et vous, monsieur. Bienvenue à la Villa Conti. Permettez-moi de me présenter, je suis Graziela Conti. » Derrière elle, un tantinet embarrassé, Lázár se contentait de garder les hauteurs altières d’une posture qui avait légèrement perdue de sa superbe. Le col de sa chemise devenait subitement trop serré et la chaleur de la nuit n’arrangeait en rien cette sensation que les choses ne seraient pas aussi aisée qu'il ne le pensait initialement.

L’hôtesse avait acquiescé de la tête avec grâce, sous l’oeil amusait de son fils. Il était assez amusant de voir comment sa mère manoeuvrait en eaux troubles. Elle était un piranha dans un bassin de poissons rouges et il semblait que Lázár était le seul totalement conscient de cette dangereuse réalité. « Je serai ravie de les saluer Monsieur Cavendish. Votre amie est ravissante. » Précisa-t-elle comme si elle lui concédait un aparté, alors que d’un regard, elle appuyait ses dires en provoquant son fils. « Prenait garde et ne vous éloignez pas trop d’elle. »
Lázár avait fini par redresser sa posture légèrement gênée par les propos un tantinet déroutant de sa génitrice. Mais alors qu’il s’apprêtait à fuir du regard pour mimer un manque d'intérêt, il croisa le regard de la principale intéressée et s’immobilisa. En quelques secondes, elle l’avait désarmé, le laissant partiellement coi dans l’immensité de son opulente demeure.

« Excellente question » railla l’hôtesse en agitant son éventail en plumes d’autruche. Les propos du prétendant de Miss Spark avaient éveillé l’intérêt de Lázár qui maintenant s’était tourné vers le centre des attentions. La mère du jeune homme pavanait maintenant au bras de son nouveau protégé, obligeant son fils et la jolie rouquine à les suivre discrètement dans leurs sillages. « Comme d’habitude, nous présentons des curiosités tout à fait extraordinaires. Certaines plus exotiques que d’autres. Avez-vous déjà vu un Jobarbille ? » « Mère… » incista Lázár en se lançant à sa hauteur. Si jusque-là, il s’était montré discret en ne lançant que de bref coup d’oeil vers Elizabeth, il était maintenant évident qu’il se souciait à présent des répercussions de ce petit aparté sur la petite rouquine. Loin de se formaliser de cette inopinée intervention, la dame balaya d’un revers d’éventail l’intervention de son fils et poursuivit avec délectation. « Connaissez-vous la particularité de ces magnifiques oiseaux ? Celui-ci appartenait à un sorcier très particulier. Il avait pris pour habitude de raconter tous ses secrets à son adorable compagnon ailé jusqu'à ce qu’il meurt… Nul doute qu’il y aura bien des choses à entendre quand ce bel oiseau s’approchera à son tour des portes de la mort. »
Les yeux clos, Lázár fulminait intérieurement. Le détail, aussi anecdotique qu’il pouvait le paraitre était loin de l’être et bien des invités étaient venus de très loin pour récupérer les informations que pouvait détenir ce maudit piaf. Un brin embarrassé, il adressa un sourire à Elizabeth et se contenta de saisir une flute de champagne qu’il avala d’une traite.